Edition de la Gazette de Port-Royal, 05 Décembre 1664
Certains de nos plus fidèles lecteurs se sont émus auprès de nous de leur peur de savoir que Jacques l'Ecumeur se trouvait actuellement près de notre bonne île.
Allons mesdames, allons messieurs, rassurez-vous, notre bon Gouverneur veille sur nous! La Garde Civile fait bonne garde, et la Marine Royale garantit notre sécurité! Vous n'avez rien à craindre, de vulgaires gredins ne sauraient faire ainsi face à nos valeureux soldats!
Il m'a d'ailleurs été rapporté que pas plus tard qu'hier, ces forbans ont tenté de débarquer de leurs navires, certainement avec de viles intentions que ne peuvent qu'avoir cette sorte de gens-là.
Heureusement pour nous, un jeune homme aperçut les voiles du sinistre vaisseau et courut avertir notre bien-aimé Gouverneur Weatherby Swann. De suite, celui-ci notifia au Commodore Norrington, dont le navire, le HMS Endeavorfait escale en notre port, son intention de se rendre sur les lieux, accompagné d'une importante force de notre jeune mais puissante Garde Civile.
Le Commodore, malgré ses réserves, accepta, tout en lui fournissant son meilleur élément, le jeune Lieutenant Adama, dont la bravoure et le courage n'ont d'égal que le nombre de ses admiratrices, me suis-je laissé entendre dire...
Face à une telle force armée, et face à la détermination héroïque de notre admirable Gouverneur, qui montra toute sa science du combat au cours d'une manœuvre hardie, il apparait évident que les pirates ne pouvaient que battre en retraite, ce qu'ils firent promptement, à n'en point douter sous les quolibets de nos hommes!
Dors donc en paix, Port-Royal! Notre vénéré Gouverneur, Weatherby Swann, grâce en soit rendue à Sa Majesté de nous l'avoir nommé, veille sur nous, et tant qu'il sera là, aucun pirate, bandit ou brigand ne pourra pénétrer en l'enceinte de notre cité!Gareth Rodgers, éditorialiste en chef
Tout en finissant de lire, le Commodore Norrington fulminait inérieurement... n'y tenant plus, il froissa le journal et le jeta de rage à travers la pièce:
- Rah, ce torchon ne vaut pas le sou qu'il coûte... Qui pourrait croire cela?
- Allons, allons, mon cher ami calmez-vous, ne vous emportez pas pour si peu...
- Et pourquoi ne devrais-je pas m'emporter, mon "cher ami"? Par votre faute, votre stupide orgueil, et votre "manœuvre hardie" vous m'avez coûté 3 hommes et 1 de mes Marines est entre la vie et la mort... tout cela parce que vous avez déclenché une "héroïque retraite"?
- Oui, enfin, non, enfin, je veux dire, je suis désolé pour vos hommes, Commodore, mais je vous rappelle que j'ai moi même perdu 8 miliciens au cours de ce combat...
- Je vous l'avais dit, Gouverneur, il ne fallait pas y aller... il fallait attendre que j'appareille pour les prendre à revers... Par votre faute, ces gredins se sont ravitaillés en eau et doivent bien rire ce soir de nous... et cela, je ne le supporterai pas plus!
Si le Lieutenant n'avait de plus pas été là pour reprendre vos hommes et ordonner un semblant de contre-attaque coordonnée, à l'heure qu'il est, nous pourrions les avoir sous nos fenêtres!
- Mais je ne pouvais pas savoir, moi, que ces vils gredins ne respectaient pas les règles les plus élémentaires du combat, et se rueraient ainsi à l'assaut au lieu de se présenter tels des gentilshommes...
- Et c'est bien ce que je vous reproche, vous n'y entendez rien aux affaires militaires de cette partie du globe... Port-Royal n'est pas l'Acadie, la Prusse ou Londres! Ici, c'est un pays sauvage, où seule la loi du plus fort prévaut!
- <Gasp> Oui, oui, j'ai bien compris, Commodore, je vois maintenant où est mon erreur... Mais je vous assure que j'aurai pu les battre, j'en ai même frappé un de mon épée...
- <Sigh...> Encore heureux qu'il n'y ait pas eu de témoins et que vous contrôliez le journal... mais à présent, Gouverneur, sauf votre respect, il est fini le temps où vous vous amusiez à la guerre en dentelles... ici, c'est une affaire sérieuse, et si nous avons encore affaire à eux, je vous ordonne de me laisser faire et de ne pas vous risquer à de telles manœuvres, est-ce bien clair? Me suis-je bien fait comprendre?
- Oui, oui, Commodore, bien sûr, Commodore, il va de soi que nos forces armées feront tout pour vous aider... mais que vais-je faire s'ils décident de revenir quand vous êtes en mer?
- Ne paniquez pas, Gouverneur, vous avez toujours votre milice ainsi que quelques Gardes Royaux bien entrainés... s'ils reviennent, fermez les portes, résistez derrière les murs, et très vite dans le sillage de leur vaisseau vous verrez apparaître mes voiles... et nous les détruirons juste sous vos fenêtres... pour votre plus grande gloire... et la mienne...
Sur ces bonnes paroles, quoique légèrement inquiétantes pour notre bon Gouverneur, le Commodore partit rejoindre son navire qui s'apprêtait à reprendre la mer...